Le marché et les opportunités après votre formation
Article rédigé par Gautier Veltri – fondateur de Prodroner, Prodigo (prestation par drone), Droner (événementiel et marque de vêtements), et Youtuber spécialiste du drone.
Quel avenir pour les télépilotes de drone ? Quelles entreprises recrutent ? Quels secteurs sont-ils réellement porteurs ? Ces questions reviennent souvent lorsque de futurs élèves nous contactent pour se former au télépilotage. Il est normal de chercher à comprendre les opportunités du marché avant de s’engager. Pourtant, la réponse varie souvent en fonction d’un critère essentiel : le profil de la personne qui pose la question.
Après plusieurs années passées à accueillir des profils variés dans notre centre de formation, j’ai identifié plusieurs tendances parmi les télépilotes.
Le télépilote à double compétence
Formé dans le cadre de son entreprise, ce profil a déjà un métier bien établi : vidéaste, photographe, géomètre, architecte, thermicien, archéologue ou encore des métiers de niche comme écologue. Le drone est alors un outil supplémentaire qui enrichit ses compétences et accroît l’éventail des services qu’il peut proposer.
Lorsqu’il est salarié, cette double compétence devient un atout au sein de son entreprise, facilite son évolution professionnelle et renforce sa valeur sur le marché de l’emploi. C’est souvent son employeur qui demande et finance la formation, ce qui lui apporte des perspectives d’évolution au sein de son entreprise.
Lorsqu’il est indépendant, la compétence de télépilote lui permet de s’ouvrir à d’autres marchés, et de pouvoir répondre à de nouvelles demandes de la part de ses clients, qui sont de plus en plus demandeurs de prestations par drones.
Ce télépilote vole occasionnellement et est souvent le seul télépilote de sa structure. Il gère également la partie réglementaire de l’exploitation et toutes les démarches administratives associées au drone.
Le salarié 100% télépilote
Ce profil, encore rare il y a quelques années, commence à se développer aujourd’hui au sein de grands groupes comme EDF, Enedis ou Vinci, qui ont des besoins de plus en plus importants en interne. Son rôle se concentre essentiellement sur le pilotage et la préparation de ses drones, principalement pour des missions d’inspection et de photogrammétrie. Ces professionnels interviennent souvent sur des zones étendues, impliquant des déplacements fréquents. L’utilisation des drones dans ses grandes entreprises est d’autant plus appréciée qu’elle permet de réduire les risques d’accident. Dans ces structures, le télépilote peut se focaliser sur son cœur de métier sans avoir à gérer la partie réglementaire ou administrative. Il sera souvent secondé par une personne entièrement dédiée à la gestion de l’exploitation, qui s’occupera des demandes d’autorisation et de la gestion au quotidien de la partie administrative nécessaire à l’exploitation.
Ce profil entièrement consacré au pilotage et à la préparation des machines se retrouve aussi dans certaines sociétés de production audiovisuelle, où les besoins sont plus spécialisés. Qu’il s’agisse de prises de vues en FPV pour des plans dynamiques et immersifs, ou de drones gros porteurs capables d’embarquer des caméras cinéma haut de gamme, ces entreprises recherchent des pilotes spécialisés et expérimentés, maîtrisant à la fois la précision du vol et les exigences techniques liées à l’image.
Le télépilote indépendant multiservices
C’est le profil « historique », hérité de l’époque où le drone était moins connu. Prodigo, ma première entreprise fondée il y a 10 ans, illustre bien ce cas : elle propose des services de prise de vues audiovisuelles, d’inspection, de topographie, de thermographie, de drone sous-marin, ou de tout autre usage possible avec un drone.
Les télépilotes indépendants sont multitâches, et doivent avoir plusieurs casquettes pour s’adapter à la demande de leurs clients. Il gère non seulement la partie pilotage et administrative, mais doit également connaître le métier de ses clients pour pouvoir parler avec le même langage qu’eux.
De nombreuses personnes qui souhaitent devenir télépilotes en reconversion visent ce projet, et c’est tout à fait faisable aujourd’hui. Mais pour faire les bons choix, il est important de comprendre que ce créneau est également en train d’évoluer. Les sociétés indépendantes tendent de plus en plus vers la spécialisation dans un domaine particulier.
Cela s’explique pour deux raisons :
Il y a quelques années, un ou deux drones aux tarifs raisonnables permettaient de faire l’ensemble de ces prestations, et l’investissement au démarrage était moins important qu’aujourd’hui. Les drones d’aujourd’hui sont plus performants, mais aussi plus chers et spécialisés dans une tâche en particulier. Il peut être plus difficile d’investir sur tous les domaines d’intervention dès le démarrage de l’activité, même si cela peut se faire au fur et à mesure.
L’autre raison est que les domaines de spécialisation sont de plus en plus pointus, et que maîtriser tous les aspects d’une spécialisation est un facteur différenciant permettant de conquérir une part de marché. En audiovisuel par exemple, les professionnels équipés de drones stabilisés sont nombreux, et les télépilotes se spécialisent vers des drones plus spécifiques (prises de vues en FPV) ou qualitatifs (gamme “Inspire” ou gros porteur). En photogrammétrie, les télépilotes peuvent se spécialiser en SIG (logiciels de Système d’Information Géographique) pour interpréter les données, ou sur des outils spécifiques comme le Lidar.
Le conseil que je donnerais aux pilotes indépendants est de commencer avec une large gamme de service, mais de ne pas hésiter à se spécialiser s’ils sentent une plus grande demande sur une partie de leur marché. Cela peut être dû à leur emplacement géographique, leurs expériences passées, leur réseau, ou tout simplement leur appétence plus naturelle pour telle ou telle compétence.
Être indépendant signifie également être chef d’entreprise, et commercial de sa propre activité. Une des clés de réussite du démarrage d’une entreprise de télépilote indépendant sera de se faire connaître à travers les événements d’entrepreneurs locaux, les salons et la prospection.
Les marchés les plus porteurs
Le drone est un outil qui peut s’adapter à tout un tas de métiers, et de façon de l’utiliser. On peut l’équiper de capteurs et de charges variées pour des usages très différents. Faisons le tour des applications métiers et leurs perspectives d’avenir pour les professionnels.
Audiovisuel
C’est le premier secteur où le drone s’est démocratisé et l’un des plus facile d’accès. Il reste un passage quasi incontournable pour tout télépilote, même si la concurrence y est importante. Les drones étant de plus en plus performants et abordables, de plus en plus de vidéastes et photographes sont équipés eux-mêmes de leur propre matériel. Pour se démarquer, un télépilote peut miser sur des prises de vues FPV ou sur une qualité d’image plus qualitative. Cette porte d’entrée demeure essentielle, même si la rentabilité et les perspectives d’évolution peuvent sembler limitées lorsque la concurrence est forte. Plus un télépilote de drone aura de compétences annexes à la prise de vue par drone (montage, tournage au sol), plus la valeur de ses prestations qu’il pourra proposer au client sera importante.
Facilité d’accès : ✅✅✅ Rentabilité : ✅✅ Perspectives : ✅
Photogrammétrie
Qu’il s’agisse de topographie, de modélisation 3D, ou de mesure de volumes (appelé également cubature), la photogrammétrie par drone permet de travailler avec de nombreux métiers de la construction, avec des outils au sol et dans les airs. La photogrammétrie est d’autant plus pertinente par drone lorsque les zones sont difficiles d’accès (toits, zones accidentées) ou sur des zones étendues. Une formation est indispensable pour commencer avec les bonnes compétences, savoir dialoguer avec le même langage que ses clients, et livrer des résultats fiables. Il est possible de se spécialiser dans le LiDar pour les zones à densité plus élevées en végétation, mais l’investissement sera plus conséquent.
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Thermographie
La thermographie par infrarouge permet d’analyser les déperditions de chaleur des bâtiments, l’état de santé des panneaux solaires ou de rechercher des personnes disparues. L’inspection de panneaux solaires constitue le plus gros de la demande, suivie par l’analyse thermique des bâtiments. Le télépilote peut se spécialiser en tant que thermicien pour proposer des analyses plus poussées des images thermiques, mais une simple lecture des écarts de température sera suffisante pour la plupart des prestations, avec une méthodologie de prise de vues adaptée. Les possibilités de missions de secours existent, mais restent anecdotiques pour les entreprises privées.
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Inspection
L’inspection par drone consiste à capturer des photos et vidéos de près pour observer l’état de structures diverses, comme les toitures, des bâtiments de taille importante, ou des structures en hauteur comme des lignes à haute tension. Pour des inspections simples, les télépilotes peuvent se faire facilement concurrencer par des personnes détenant des drones légers. Mais pour des surfaces plus importantes ou représentant des défis techniques, la méthode de travail et l’organisation d’un professionnel font la différence.
Le télépilote devra réfléchir à un plan d’inspection détaillé avant même de prendre les premières images, afin de livrer un rapport clair et complet. En fonction des besoins, les inspections seront souvent complétées par une photogrammétrie ou de la thermographie. Les entreprises clientes sont souvent de grande taille, ce qui demande plus d’efforts pour les approcher, mais procure des missions souvent plus conséquentes et donc rentables.
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Multispectral
L’imagerie multispectrale est surtout employée en agriculture pour cibler précisément l’usage d’engrais ou de produits phytosanitaires. Ce marché est prometteur en théorie, mais il reste coûteux pour des clients finaux qui n’ont pas forcément le budget pour ces prestations. Plusieurs startups s’y sont déjà cassé les dents, et l’agriculture française n’est pas encore majoritairement prête à adopter ces solutions, même si la technologie devrait se démocratiser avec le temps. Ce créneau intéresse parfois les agriculteurs eux-mêmes qui investissent directement dans leur propre drone.
Facilité d’accès : ✅ Rentabilité : ❌ Perspectives : ❌
Drone de pulvérisation
Ces drones, plus imposants que les modèles standards, servent notamment à nettoyer des toitures ou des façades. Il nécessite un investissement plus important que des drones standards. Très en vogue ces dernières années, le marché s’est développé de manière importante avec de nombreux nouveaux entrants. Je reste cependant réservé sur les perspectives à long terme d’un marché nécessitant peu de freins à l’entrée, et qui pourrait rapidement saturer.
En agriculture, la réglementation française sur l’usage de produits phytosanitaires reste très stricte, ce qui freine la montée en puissance de ce type d’équipement, contrairement à d’autres pays comme la Chine.
Facilité d’accès : ✅✅ Rentabilité : ✅ Perspectives : ✅
Drone de surveillance
Les drones de surveillance sont avant tout des drones autonomes, qui impliquent un cadre réglementaire complexe. Ce ne sera plus alors une prestation de pilote qui sera proposée, mais une prestation d’installation de drone de surveillance, voire d’intégrateur dans les solutions déjà existantes de vidéosurveillance. Ce marché intéresse plus particulièrement les distributeurs et intégrateurs qui maîtrisent la vente, le service après-vente et l’accompagnement réglementaire. Les perspectives de développement sont fortes, mais l’accès n’est pas facile et pertinent pour un télépilote indépendant.
Facilité d’accès : ❌❌ Rentabilité : ✅✅ Perspectives : ✅✅✅
Drone sous-marin
Ce créneau de niche permet d’effectuer des inspections sous l’eau, de réaliser des expertises ou encore d’assurer la maintenance de flottes. Si des missions ponctuelles peuvent être possibles localement, son usage sera surtout limité aux entreprises travaillant sur les retenues d’eau ou dans les villes côtières. Bon à savoir : l’usage peut très vite être restreint en cas d’eau trouble ou de canalisation trop petites, ce qui limite souvent son usage.
Facilité d’accès : ✅ Rentabilité : ✅✅ Perspectives : ✅
Si vous cherchez encore vers quelle spécialité vous orienter, ou que vous avez peur de vous tromper de voie, c’est tout à fait normal. Même après dix ans d’expérience en tant que pilote indépendant et formateur, je continue de découvrir des choses passionnantes dans tous ces domaines d’utilisation, et je continuerai d’en découvrir au fur et à mesure de mes expériences.
Cela fait longtemps que j’ai accepté de ne pas pouvoir être un expert dans tous les domaines, et toute chose vient en son temps. Restez curieux, testez de nouvelles approches, suivez votre instinct, vos envies, et le plus important : continuez d’apprendre tout au long de votre carrière. Le drone est un univers qui évolue rapidement. Le meilleur moyen de rester dans la course est d’évoluer avec lui, en continuant à se former sur les nouveautés. Je vous souhaite à tous de bons vols !
